La ruralité est-elle en danger?
La question est certainement d'actualité. L'INSEE ne
vient-il pas de décider de rayer de son vocabulaire le mot rural , choisissant
de le remplacer par commune isolée hors influence des pôles. La ruralité
deviendrait-elle une quantité négligeable pour la France ? C'est une question
que nous sommes en droit de nous poser même si quelques élus notoires tentent
de nous rassurer : pour Bruno Le
Maire:"la ruralité, c'est l'avenir de la France" . Et de renchérir
avec Nicolas Sarkozy :"il faut croire en l'avenir de la ruralité"...
Des mots et des phrases que les réalités vident souvent de leur sens d'autant
qu'en privé d'autre élus ne se privent pas de dire : " la ruralité coûte
cher" ou bien encore "le
choix de vivre parmi les arbres entouré des oiseaux est un luxe qui doit se
payer".
Au delà des mots et des apparences beaucoup d'élus se
rejoignent en réalité sur le fait que la France n'a plus les moyens de se
financer 36700 communes. Alors on promet et on compose d'un coté pour mieux
faire passer de l'autre des réformes et des réglementations qui, à terme,
transformeront le territoire rural en un vaste jardin entretenu par quelques
agriculteurs pour nourrir une France péri urbaine entassée verticalement dans
de grands ensembles où le rêve télévisuel du" bonheur dans le pré" de
millions de français cohabitera avec les paradis artificiels de gamins sans
repères et sans emploi.
Au risque d'être isolé en défendant une société plus conviviale et plus
solidaire, une société où l'engagement et le bénévolat concourent à
l'épanouissement des jeunes ou contribuent à rompre l'isolement moral des plus
âgés , j'ose prétendre que les dépenses généralement affichées sont largement compensées par les économies
inhérentes à une bonne éducation et au bien être des personnes. La solidarité de
proximité et le bénévolat, beaucoup plus importants en milieu rural , la
réduction de la violence et de la délinquance, la qualité de vie et les
médicaments en moins sont certainement
des atouts dont la valeur financière et humaine ne sont pas chiffrables pour
une société dont l'administration n'a pour but que d'apprécier
la quantité. La qualité n'est pas son fait; c'est celui des
politiques... Encore faut-il qu'ils aient la main, la compétence et la
continuité au sein de structures qui ne cessent de réglementer et d'ajouter des
contraintes.
En réalité, la ruralité est bien dans le collimateur de la majorité des
politiques, de la droite aux écolos. Les alibis diffèrent évidemment mais les
plus pervers viennent de ceux qui
enfument les élus locaux par des propos et des promesses que leurs actions ne
cessent de contredire. Que demander à un ministre de l'agriculture qui ne sait reconnaître
le cri d'un dindon ni transcrire un hectare en m². Que dire d'un autre qui n'a
de vue de la précarité que celle de son
quartier? La ruralité est pudique; la précarité s'y retire et s'y vit parfois
dans le plus grand dénuement, loin du regard de décideurs qui, calculette en
mains, estiment d'un œil froid que rassemblement et mutualisation apporteront
des économies porteuses de projets.
Pour autant il faut convenir que des réformes territoriales sont nécessaires mais elles ne
doivent pas nous conduire vers une
reconcentration technocratique des pouvoirs
décideurs qui, à terme, tarirait très vite le territoire d'une vie
participative et solidaire au seul bénéfice d'une société virtuelle
principalement fondée sur des liens numériques porteurs d'anomymat et de
solitudes.
Certes l'heure est aux économies tant au niveau de l'Etat que des collectivités territoriales qui doivent faire des choix prioritaires; la formule de René DUBOS, "penser global pour agir local" est une phrase à la mode qui résume bien le développement durable; encore faut-il que la spécificité des territoires soit intégrée dans les enjeux et que les enjeux émergent de réalités bien évaluées quant à leurs conséquences sur le terrain. La pensée idéaliste comme la réflexion technocratique en sont,hélas, bien souvent bien éloignées.
Frédéric NIHOUS, président de CNPT, défend , sans doute avec sincérité, "une ruralité forte dans une France Forte"; c'est là un challenge que nous devons partager; la question est de savoir si nous envisageons les mêmes objectifs et les mêmes moyens pour le gagner. Beaucoup d'élus, comme le Président Didier Guillaume, président du Conseil Général de la Drôme estiment que la Réforme territoriale n'a pas pris en compte la diversité et la discontinuité de nos territoires ruraux dont les représentants au sein des nouvelles super collectivités risque de faire tapisserie et de cautionner par leur présence, tout simplement l'accentuation d' une dévitalisation rurale au bénéfice des centres urbains.
Envoyé
Ca fait 20 ans qu'on parle de revitaliser le motainais; heureusement que certains élus locaux s'y attèlentR.M.
RépondreSupprimerLa question est en effet d'importance. Mais vue de Paris ...? La réalité rurale échappe de plus en plus aux priorités nationales, et les voix comme la vôtre sont étouffées par le bruit assourdissant des rivalités de partis et des tempêtes financières. Nos politiques ne connaissent de la campagne que sa version électorale : la ruralité, combien de divisions ? Vous parlez avec raison du décalage terrifiant qu'on est en train d'accentuer entre les deux France, et des critères quantitatifs qui règnent en seuls maîtres. A l'Elysée comme à Saint-Lô, on proclame volontiers "l'homme est au centre de nos préoccupations", tout en le piétinant allègrement, au point qu'on peut se demander si l'homo ruralis existe encore face à l'homo urbanus. Combien de temps le roseau pliera sans se briser ? Les médias sont eux aussi déconnectés de la réalité, la "peoplisation" qui envahit la vie politique est contagieuse et contribue à fausser la hiérarchie des valeurs : un tweet de la compagne du président déclenche plus de débats dans la presse et de sujets au JT que le budget du pays. Et le monde rural, pour la majorité d'une population décervelée, se réduit au mariage de Thierry Olive. La lutte s'annone inégale et difficile. Continuez à faire entendre votre voix, Bernard, et rassemblez ceux qui ont encore la volonté de réfléchir hors des sentiers battus. Bon courage. Jean-Louis Gazignaire
SupprimerVotre message est encourageant ; oui il ne faut pas abandonner ; il arrive que l'on entende mieux une voix dans le désert que dans la foule.
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