Quel bon sujet de dissertation, ô combien d'actualité même si RABELAIS nous rappelait déjà: "science sans conscience n'est que ruine de l'âme". Seulement voilà, depuis le XVème siècle, la science a fait des avancées tellement fulgurantes que nous n'en sommes plus à nous interroger sur l'opportunité d'étudier les cadavres. La science en est plutôt au point, poussée par l'alibi du besoin, à vouloir mettre la nature à sa botte en la transformant : les herbivores deviennent des carnivores à leur insu, la biodiversité se réduit, les écosystèmes disparaissent mais le génie génétique modifie artificiellement les espèces pour remplacer la diversité par l'uniformité... le gène d'un ver luisant dans le génome d'un taureau... pourquoi pas mais c'est discutable car on peut aller plus loin encore dans cette voie du meilleur des mondes.
Plus que jamais nous sommes en droit de nous demander où la science nous conduit. Vers le progrès ? Certainement, mais quel sera la rançon du progrès ?
Pour autant, notre liberté et notre sécurité dépendent de ce progrès, notre santé également. La durée de vie à été allongée grâce à la recherche médicale. La famine a été réduite bien qu'elle soit encore très présente dans le monde; les vaccins dont nous connaissons les risques ont fait disparaître nombre d'épidémies. Mais quel monde laisserons nous aux générations futures si nous pensons qu'au moment présent ? Le progrès au forceps est-il la condition du bonheur ?
Le progrès et ses conséquences doit-il être considéré comme le fruit naturel de l'évolution, celle de l'homme et de son cerveau comme le furent celles de toutes les espèces dont un développement anatomique excessif a pu causer la perte? On se perd en conjonctures sur la disparition des dinosaures; on peut comprendre celle de nos ancêtres brachiateurs; on pourrait imaginer celle de la girafe si la nature venait à changer.
Mais l'homme est un roseau pensant. Nous pouvons espérer que son intelligence puisse l'amener à contrôler son désir de toute puissance sur la nature pour empêcher l'inévitable. Nous devons souhaiter également qu'elle le conduise à faire converger science et humanisme afin qu'ils s'enrichissent mutuellement pour lui apporter une liberté et une sécurité réelles, à lui-même et à ses descendants.
Il n'y a pas de liberté ni de sécurité sans éthique. La liberté peut être réduite pour atteindre à plus de sécurité en n'oubliant pas, toutefois, que trop de sécurité peut enlever la liberté. Il faut le savoir... Seules l'éthique et la morale sont susceptibles de nous permettre de trouver l'équilibre nécessaire entre liberté et sécurité, de l'évaluer et de le contrôler. Le progrès ne peut s'obtenir sans risques; c'est évident! Mais l'éthique impose à l'homme, au scientifique et aux élus d'imposer des règles au risque, un tant soit peu, de ralentir le progrès. Au regard du temps, l'urgence doit être relativisée.
Ainsi, un principe de précaution a été inscrit dans la charte de l'environnement, annexée par Jacques CHIRAC à la constitution de la République Française. Est-il appliqué pour autant? Le Grenelle de l'Environnement a montré, sur le dossier des OGM, que le lobbying a eu sa peau. Jean BIZET s'en est vivement félicité en des termes peu amènes en traitant son collègue sénateur de grand vaincu: "l'animal est à terre mais il bouge encore".
Les évènements ont montré plus tard que Monsanto avait été la grande gagnante d'une bataille qui n'aurait du être qu'un débat d'idées. Mais l'économie ne fait pas de sentiment. Elle a même le pouvoir de rendre dépendantes la science et la politique. L'homme a ses faiblesses.
Mon propos n'est pas d'entamer une polémique sur les organismes modifiés de Monsanto dont les agriculteurs deviendront très vite dépendants comme ils le sont déjà de grandes sociétés alimentaires. La crise du lait en témoigne. Il importe seulement de s'interroger, non pas sur les bienfaits de la science mais sur l'utilisation qu'on en fait. Mieux comprendre notre environnement pour mieux l'utiliser et le protéger est une chose; mais vouloir le recréer en le transformant dans ses composantes fondamentales en est une autre.
Certes la nature est bienveillante. Elle accepte de révéler ses secrets à la science afin qu'elle en utilise les principes actifs. Mais les faits nous montrent qu'elle est capable de reprendre ses droits et de se venger lorsque nous ne respectons pas les règles.
Le principe de précaution, pour l'homme comme pour la nature est une nécessité dès lors qu'il ne devient pas l'arme d'un sectarisme écologique. L'intégrisme provoque le rejet. Mais éthique n'est pas idéologie. Elle repose sur le respect de l'autre, le respect de la nature et de toutes se composantes, la recherche du bien qui exige aussi celle de la preuve susceptible d'être donnée par l'état des connaissances du moment. La vérité d'aujourd'hui ne sera pas celle de demain évidemment.
Que de choses il faut ignorer pour agir pensait Paul VALERY mais d'autres diront aussi "un tien vaut mieux que deux tu auras."
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