Au cours des vacances d'été 2015, la vie démocratique du Sud Manche a été animée par le député local, Président de la communauté de communes d'Avranches Le Mont Saint Michel; il espérait pouvoir obtenir le soutien de ses collègues à propos de l'arasement des barrages de la Sélune. S'étant ramassé avec 22 voix favorables pour sa proposition sur 83 élus contre 35 défavorables, les autres élus étant partis avant vu l'heure tardive du débat. il se déstressait alors par la rédaction d'un article peu amène pour ses collègues que la presse reprenait en coeur , s'attachant au refrain des faux culs. Ne s'est-il pas trompé de cible? A sa place, hier comme aujourd'hui, je les aurais recherchés plutôt dans les plus hautes sphères de l'État.
Une fois de plus, en effet, la France a été incapable de faire barrage aux décisions des technocrates de Bruxelles. Preuve s’il en est de l'incapacité de nos dirigeants à se faire respecter. De Charybde en Scylla l'agriculture n’échappe pas non plus à leurs inconséquences. Ce qui se passe avec les barrages hydroélectriques comme celui de Vezins est purement et simplement absurde. Formés au double langage, nos brillants ministres prônent à qui veut encore les croire que notre pays doit trouver des énergies de substitution au nucléaire tout en esquivant les questions qui dérangent comme celle du gouffre financier que représente le chantier de l’EPR de Flamanville. Pendant ce temps, le barrage de Vezins qui lui ne coûte rien, continue au fil de l’eau à alimenter en électricité une ville comme Avranches. Voilà 8 ans que les ministres de droite comme de gauche à grand renfort de déclarations en faveur des économies d’énergies baladent les habitants avec des mensonges et l’hypocrisie qui caractérise de grands commis de l’État. Mais cette fois, la coupe est pleine. La colère des habitants du Sud Manche et la difficulté des élus locaux à se faire entendre est à son comble. ,
Le
23 octobre 2000, l'Europe met en place la Directive Cadre sur l'Eau, la DCE.
En 2006, le groupe EDF met 500 millions d'Euros sur la table pour son
programme SuPerHydro dont l'objectif est de moderniser toutes ses centrales
hydroélectriques. Celles de la Sélune y compris. Patatras! Dans les mois qui
suivent, la Directive Cadre sur l'Eau exclut tous les cours d'eau classés en
lisTe 1. Et vlan, la Sélune est concernée. Du coup c'est toute la petite hydro
électricité ( inférieure à 12 MW ) qui s'en trouve shuntée. En 2007, le
Grenelle de l'environnement applique les directives européennes. « En
fait, il s’agit de faire un cadeau aux écologistes » dira plus tard le
député local UMP. Du pur Sarko.. Et ce n’est pas fini. Le 13 Novembre 2009
Chantal Jouanno - l'ancienne secrétaire
d'Etat à l'Ecologie qui avait d’autres rêves à l’époque - comme celui de se
propulser aux régionales en Ile de France annonce que la concession des
barrages de la Sélune ne sera pas renouvelée. Une vengeance pour avoir pris du
plomb dans l’aile aux élections régionales peut-être ?
Dans
la foulée, Jean Louis Borloo, devenu depuis président de la Fondation Énergies
pour l’Afrique, dont je rencontrais à l'époque le directeur de cabinet avec Philippe Bas
pour parler des énergies renouvelables dans la Manche, demanda au préfet
d'engager les opérations d'effacement. Bravo. Résultat, le 23 mars 2010 la
France rend compte à ses patrons ( la commission européenne ) de la mise en
oeuvre de la Directive cadre sur l'eau pour éviter les pénalités. Fin de
l’histoire.
La
belle équipe
Le
24 mars 2012 remaniement gouvernemental. Delphine Batho, une proche de Ségolène
Royal prend les rênes du ministère de l'écologie. Derechef, elle s’empare du
dossier et acte définitivement la suppression des barrages de Vezins et de la
Roche qui boit. Cerise sur le gâteau, pour penser les plaies, elle indique que
2 millions d'euros sont immédiatement disponibles pour la base de loisirs de la
Mazure. Un mois plus tard, le13 Avril 2012, la Directive Cadre sur l'Eau impose
un retour à un bon état écologique des eaux d'ici 2015, excluant ainsi 66% des
cours d'eau français de la production d'hydro électricité. Au cours de la
campagne électorale des législatives en 2012, nous apprenons incidemment, par
un candidat bien informé, que le Préfet de la Manche Adolphe
Colrat mettait fin à la concession EDF. Enfin, le 18 Septembre 2014,
Ségolène Royal propose à l'Europe que les barrages conservés soient désormais
gérés par des sociétés d'économie mixte dont l'État sera l'actionnaire
majoritaire.
Rien
ne va plus, les jeux sont faits.
Du
côté des écolos bobos c’est la fête, c’est à celui qui sera le premier à
assister au sacrifice d'un
patrimoine industriel remarquable pour permettre aux saumons de remonter la
Sélune pour s'y reproduire...Enfin, pour ceux qui ont pu échapper aux filets
des braconniers dans la baie du Mont Saint Michel.
Rebondissement
Ségolène
Royale s'invite au dernier acte lors de son voyage dans le Sud Manche, 3 mois
plus tard. Les esprits les plus sceptiques reprennent espoir. Elle se dit
disposée à engager de nouvelles études et ne semble pas opposée à un référendum
local d'autant que l'enquête publique se prête à la critique... Comediante,
tragediante…On
la savait un brin comédienne la madone du Poitou mais on ne l'imaginait pas aussi
méprisante. En fait, elle gagne à ne pas être connue car le mépris commence dès
le moment où l'on se met à prendre ses interlocuteurs pour des ignorants. Payer
des études complémentaires avec l'argent des contribuables pour affirmer des
contre vérités et conforter des décisions déjà prises relève d'un cynisme
effrayant. Tout ce
qu’elle a gagné c’est la division des élus, le député restant campé sur sa position. La contestation a été affaiblie car
des élus réalistes n'étaient pas dupes; ils savaient déjà que la petite hydro électricité
serait définitivement arrêtée. En revanche, ils découvraient aussi que les centrales
restantes obligent l'État à faire un appel à projet pour trouver des
actionnaires qui s'inscriraient à ses côtés au sein d'une SEM pour
leur exploitation . Aussi faut-Il avoir un culot digne d’un
camelot pour affirmer sans sourciller qu'il n'y a pas de candidat pour
reprendre nos deux centrales. Et du culot elle en a eu pour s’attirer les
bonnes grâces de tonton en 1981. On aurait dû se méfier.
Le
piège se referme
Pousser
le vice jusqu’à ne pas dire que la fermeture des barrages est irréversible tout en
lançant la vidange des barrages sachant que l'État ne les remettra jamais en
eau c'est tout simplement prendre la population et les élus pour des
imbéciles... Des élus aujourd’hui au pied du mur qui n'ont pas d'autre solution
que d'adhérer au projet qui leur est proposé et d'être constructifs s'ils ne
veulent pas se retrouver devant une friche industrielle. Poursuivre la
contestation sachant que toutes celles qui ont été engagées dans le Sud Manche
depuis quelques années n'ont jamais abouti, serait pour le moins irresponsable
car nous n'avons pas les moyens de financer seuls le projet de renaturation de
la vallée. Et elle le savait dès le départ. Un projet de plus de 50 millions d'euros visant à relancer
l'économie d'un territoire qui sera affecté pendant de nombreuses années par
l'arasement des barrages, ça fait réfléchir. Ainsi Ségolène Royale a réalisé un magistral tour de
force en obligeant les élus de la vallée à prendre leurs responsabilités,
quitte à être désavoués par une population qui ne possède pas tous les éléments
du dossier et à être vilipendés par leur député. Il ne nous reste plus qu’à
attendre 2017 pour sanctionner ces incapables. Pour les remplacer par d’autres
qui continueront à prendre les élus ruraux pour des analphabetes.
L'état a joué la division sur la base de contre vérités.
RépondreSupprimerLa directive européenne n'impose pas l'arrasement des barrages mais d'assurer la libre circulation des saumons (en ce qui nous concerne).
Donc on sait faire des ascenseurs ou échelles à poisson sur 1000 m de dénivelé mais pas sur la Sélune... certes il faut remettre en face les coûts et recettes. Donc 100 fois moins de dénivelé est à mettre en face des 30MW électriques... Et je n'ai pas connaissance de STEP ou barrages de 3 GW...
EDF n'était d'ailleurs pas gêné de conserver l'exploitation en connaissant les coûts d'entretien et infrastructures à installer.
Vous même parliez d'un privé prêt à investir.
De plus je crois savoir que ces barrages sont sous-exploités d'une part, et que leur puissance peut être relevée.
Je suis loin d'être d'accord avec le député, mais sur ce sujet je pense qu'il a raison de faire son bonnet rouge. Mieux, vos positions sont complémentaires.
D'ailleurs vous pointez tous les 2 la bêtise de l'administration et l'incompétence technique des élus nationaux.
La comédie Segolienne (segonielurge ?) ne correspond qu'à l'enrobage politique des choix technocratiques qu'elle comme son ex ne maîtrise pas ; comme les autres avant eux.
Pire si vous ajoutez le militantisme local des services vous n'êtes pas près d'en voir le bout...
N'oubliez pas que l'État est en faillite... où croyez vous qu'il va trouver les fonds pour la renaturation et l'arrasement ? Ils trouveront bien un moyen de faire financer aux citoyens de la vallée, du département, voir de la région.
Donc pour conclure puisque vous êtes acteurs avec le député du théâtre des gignols organisé par Paris, vous auriez à gagner de vous concerter pour les rôles (officiels) et missions (officieuses). L'intérêt des citoyens sera préservé si repassez du statut de marionnettes à celui d'acteurs...
Amicalement
Voilà un texte qui a le mérite d'être clair. Si tous les politiques pouvaient avoir un langage vrai il y aurait moins d'abstentions.
RépondreSupprimerCeci prouve que les élus locaux n'ont pas ( ou très peu ) de pouvoir. Je crains qu'avec ce qui se passe avec les migrants ce sera la même chose. À quoi sert notre vote?
RépondreSupprimerComprendre l’origine de la situation actuelle est un bon sujet de réflexion , pour débattre rationnellement des moyens de sortir du piège et pour dire clairement où les uns et les autres nous voyons l’intérêt collectif. Et, si une évolution est décidée, pour dire qui indemnisera les ménages, entreprises ou agriculteurs qui subiraient des préjudices - tous les préjudices, sans en escamoter aucun, même les pertes de valeur des biens et activités dans des communes qui ne sont pas immédiatement riveraines du lac.
RépondreSupprimerOn a totalement tort d’incriminer les directives européennes : il suffit de rappeler qu’on répète toujours que le démantèlement du barrage de Vézins serait une opération sans précédent en Europe… Et, de fait, la directive cadre européenne sur l’eau (DCE) du 23 octobre 2000 demande que chaque pays classe ses différents tronçons de cours d’eau dans différentes catégories, avec des objectifs et calendriers différents ; résultat : tous les pays ont utilisé pour les lacs des barrages hydroélectriques le classement MEFM (masse d’eau fortement modifiée). A Vézins, c’est ce qui a été fait jusqu’à la décision de ne pas renouveller la concession de 1927. Il faut arrêter de dire que les obligations proviennent de la DCE : elles proviennent des décisions françaises, et c’est elles qu’il faut rediscuter si on le souhaite pour modifier non le droit européen mais des textes français, décrets ou arrêtés, et écrire ce que seront les conditions d’application de la nouvelle loi « transition ».
Incriminer à tort l’Europe conduit à plusieurs erreurs en cascade : c’est uniquement à l’Etat qu’il faut demander des indemnisations devant les Tribunaux , il n’y a rien à attendre des collectivités ni de Bruxelles. Rien à redouter non plus d’ailleurs en termes de sanctions européennes, puisque le rétablissement du classement MEFM serait une parade immédiate. Et il serait utile de diffuser un vrai retour d’expérience sur les actions menées dans les autres pays sur les MEFM, à la fois pour la qualité de l’eau et pour les différents compartiments de la biodiversité.
L'Europe est trop technocratique d'une manière générale mais Il est vrai qu'il est très facile de dire que c'est toujours la faute de l'Europe. Les États se défaussent trop facilement sur l'Europe. L'absentéisme fréquent des députés européens montre que l'administration a pris le pas sur la démocratie. A Bruxelles, Rachida a été rebaptisée en Jaméla.
RépondreSupprimerJe suis d'accord avec la réaction de l'internaute. N'empêche que vous ciblez bel et bien l'Europe dans votre courrier. Votre réponse est ambiguë comme souvent d'ailleurs
RépondreSupprimerbien cordialement
Mon propos était surtout de rappeler les étapes qui ont conduit á cette décision d'arasement. La directive cadre sur l'eau en a été à l'origine. Nous pourrions tout de même citer nombre de décisions prises globalement par l'Europe qui auraient pu être adaptées pour certains territoires si la France avait eu la moèlle de l'exiger.
RépondreSupprimerCela vaut pour la pêche de la raie brunette dans la manche et pour bien d'autres sujets dont l'agriculture est victime actuellement
L'Europe était nécessaire dans le contexte économique mondial mais il y aurait beaucoup á faire pour y faire progresser la démocratie. Vous croyez vraiment que Moscovici a du poids face aux commissaires européens.Du cinéma.JH.
RépondreSupprimerL'incompétence des parlementaires creuse leur propre tombe politique et alimente l'anti parlementarisme. Merci la toute puissante administration.
RépondreSupprimerN
Je dois redire que ce qui est écrit sur le rôle de la Directive Européenne n’est pas exact. Il est d’ailleurs contradictoire de vouloir « faire porter le chapeau » à la directive qui date d’octobre 2000 et expliquer les évènements par les petites tractations ultérieures pour faire venir les écolos officiels au Grenelle de l’environnement ou les calmer sur la THT. Tous les autres pays européens appliquent la directive en prenant pour les lacs de barrages hydroélectriques le classement MEFM : son abandon ici a été la conséquence et pas la cause de l’idée «il faut détruitre Vézins ». Et donc si l’on veut sortir des pièges et éviter les gâchis il faut que modifier des textes français, pas des lois européennes. Si on ne le fait pas, ni les ménages, ni les communes, ni les agriculteurs ni les entreprises ne doivent fantasmer sur des dédommagements européens, pas plus que sur des sanctions européennes,. Ceux qui subiraient un préjudice doivent en demander réparation à l’Etat, pas au département, à la région ou à Bruxelles.
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