Des manchots à tête chercheuse

Lors d'un séjour en Allemagne, à Bremerhaven, avec Bernard Cazeneuve, en 2010, nous avions visité des laboratoires de recherche dirigés par de jeunes ingénieurs français... Non sans une certaine fierté   de constater que notre enseignement supérieur puisse exporter des élites, mais en même temps déçus de constater notre retard en matière d'innovation. Depuis, les choses ne semblent pas s’arranger. La France est toujours à la traîne dans de nombreux domaines, ceux du développement durable, de l'environnement et des énergies notamment. Ainsi, de jeunes développeurs se lancent dans l’aventure  et s'exportent en reprenant des ingénieries françaises, restées dans le fond des cartons à cause  de réglementations archaïques qui découragent les plus entreprenants. Une aubaine pour d’autres pays européens qui en profitent pour développer des projets élaborés par la France.

Manchot ou Manchois, on avance

La Manche n'est pas restée les deux pieds dans le même sabot, celui du nucléaire, par exemple ;  elle s'est engagée  dans le voie  des énergies renouvelables, notamment les énergies marines et le stockage en hydrogène qu'elle utilise déjà pour une partie de son parc de véhicules.  A ses côtés, le Sud Manche a également tenté sa chance dans la voie de l'innovation et de l'expérimentation. Les Sociétés d'économie mixte, Innovance, IDBM, Séenergie, en sont la preuve; elles entendent développer des projets novateurs, porteurs d'espoirs, qui s'inscrivent également dans le développement durable. Le Selun, en est l’exemple, ce bois biosourcé, thermo formable, très attendu par l'industrie, est appelé à remplacer des panneaux de bois aggloméré dont les colles dégagent du formaldéhyde, un produit polluant et nocif. Les nouveaux essais étant très prometteurs, il restera à passer à l'industrialisation, fin 2017. La société IDBM et Rémi James sont à la manoeuvre pour atteindre cet objectif. Même espoir avec le projet de dépolymérisation. Une technique qui consiste à transformer un polymère comme le plastique par exemple en des composés chimiques de masse moléculaire plus faible. Ce procédé permet aussi d’utiliser les déchets végétaux et animaux (fumiers, lisiers...) pour obtenir du bio-carburant, des engrais et du charbon végétal. Ce serait une première en France alors qu'une vingtaine d'usines fonctionnent déjà en Allemagne et aux Pays Bas où l'on prend grand soin de l'environnement.  Il aura suffi de faire se rencontrer sur un même territoire une société française d'ingénierie, un producteur de déchets en mesure de les sécher sur un terrain adapté (ils ne manquent pas) et  un client des matériaux produits, pour intéresser un porteur financier allemand  qui sera accueilli fin octobre dans le Sud Manche. Le projet est dans les tuyaux mais attendons nous à rencontrer  de nombreux obstacles, à commencer par le permis de construire pour lequel nombre d'études seront exigées. Bref, près de 18 mois seront nécessaires pour aboutir. Et de ce point de vue, nous savons de quoi nous parlons. Pour avoir la Caisse de Dépôts et Consignations à leurs côtés, les Maraichers du Mont Saint Michel sont en train de revoir leur copie avec EDF Optimal Solution pour ajouter une centrale biomasse à leur cogénération. Une bonne idée qui toutefois demande du temps.

Toujours est-il que les faits nous montrent une fois encore que les réseaux et les synergies entrepreunariales sont devenues indispensables pour espérer réussir le développement économique d'un territoire. C’est la seule voie possible pour un élu de faire émerger des projets viables et durables. Notre rôle n'est pas simple;  nous nous devons d'être en veille permanente  et de savoir nous entourer. La tâche est rude mais passionnante et le résultat  tellement réconfortant lorsqu'il se chiffre en créations d'emplois et de recettes nouvelles qui permettent d'aller plus loin sans faire appel au contribuable. Que nous soyons au niveau national ou régional ou bien encore dans le Sud Manche, le principe restera toujours le même, seul l'investissement économique nous permettra de progresser.