Dernièrement , dans la même journée, mon attention a été attirée, une fois de plus, sur deuxréglementations administratives dont l'application vient contrarier le dispositif mis en place pour favoriser le commerce local et répondre aux attentes des habitants. La première concernait le transport de proximité organisé par un artisan local en lieu et place du département. Ce transport est réactif ,répond aux attentes des habitants et ne coûte rien au département. Mais la machine administrative est implacable. Cet artisan s'est entendu dire que le taxi n'est pas du transport en commun et menacer de perdre son agrément taxi. Rien de moins!
La seconde touchait à l'organisation de la cantine scolaire . Il devient obligatoire de passer en cantine collective des lors que les repas sont transportes sur le site des trois écoles de la commune. Dans ce cas , l'agrément actuel des commerçants locaux ne serait plus reconnu du fait que plus de 30% des repas seraient achemines; ils ne pourraient donc plus assurer l'approvisionnement de la cantine municipale... D'un côté on se bat pour accueillir de nouvelles familles et faire vivre l'économie locale, de l'autre on exclut le commerce local si les enfants ne sont pas réunis sur le même lieu de restauration...
Nous pourrions parler aussi des regles d'accessibilité ou des problèmes liés a l'habitat; ils sont nombreux. A titre d'exemple, la règle de la présence minimum de 5 habitations dans un hameau pour être en droit d'y construire sur une " dent creuse" ne se trouve dans aucun texte de loi. C'est un ajout de l'administration qui en décide à sa guise! De tous côtés, les critiques formulées à l'égard des administrations échauffent les esprits les plus froids, au point que beaucoup de chefs d'entreprises , d'élus et de citoyens se félicitent du non remplacement d'un fonctionnaire sur deux , pensant que la réduction des emplois administratifs de l'Etat et des collectivités pourrait diminuer l'importance d'une réglementation appliquée avec trop de rigueur par quelques fonctionnaires zélés .Grave erreur, la stupidité n'est pas quantifiable. De là à comparer les effectifs de fonctionnaires de la France avec ceux de l'Allemagne et de faire un parallèle avec le développement Economique pour conforter l'idée . Ainsi, notre voisin ne compte que 50 fonctionnaires pour 1000 habitants dont la charge financière représente 7% du PIB alors que nous en avons 90 pour 1000 dont le coût atteint plus de 12% du PIB.
L'administration serait-elle un contre pouvoir?
Certes Le rôle de la fonction publique est de mettre les lois en musique par des décrets, arrêtés, circulaires, et notes de services. Mais entre l'esprit de la loi et le contenu des circulaires, il arrive qu'il y ait un monde... Qui plus est, ces textes sont souvent interprétés et appliqués à la lettre et avec autorité sur le terrain. En cas de difficulté, le fonctionnaire est tenté de nous mettre face à nos responsabilités en ajoutant: " ce sont les élus qui font les lois ". Argumentum ad logicam". Ce fonctionnaire a raison même s' il n'ignore pas qu'il est très facile de faire avaler des couleuvres aux élus, au plus haut niveau de l'Etat comme dans les collectivités territoriales ou les collectivités locales importantes. Plus nous nous éloignons du terrain, plus le poids de l'administration grandit; L'elu pense, oriente, décide; l'administratif enregistre ,traduit puis concrétise. Le décalage peut être important entre l'intention et le texte si les élus n'y prennent garde. Ils pourront alors en vivre les conséquences localement mais il sera trop tard pour changer les choses. C'est " le mal français " décrit par Alain Peyrrefite en 1976 où il y dénonce notamment l'omnipotence de l'Etat et le sentiment d'infaillibilité qui "imprègne son administration". Il ajoute même :" des élus débordés ont besoin que des fonctionnaires compétents prennent les décisions en leur nom". Depuis la parution de l'ouvrage de cet ancien ministre, le mal français est toujours là, bien là! La vérité, c'est que cette constatation fallacieuse d'Alain Peyrrefite était une bonne façon de se défausser plutôt que de dégraisser le mammouth , pour reprendre la phrase célèbre de Claude Allègre .
Sous le règne d'UBU.
L'Etat a besoin d'exécutants bien entendu sans lesquels il ne pourrait faire respecter les règles. On regrettera seulement que la réflexion et l'analyse ne puissent être la preoccupation premiere de tous les agents , la réglementation étant faite pour être appliquée coûte que coûte. Point barre et tant pis pour les cas particuliers. Il y a bien le médiateur de la République pour étudier ces cas me direz vous, une sorte d'Ombudsman à la française qui voudrait nous faire croire à un arbitrage, lequel se traduit le plus souvent par le renoncement du plaignant en raison de la lenteur des réponses.
Les chiffres sont là pour nous le prouver. Jean Paul Delevoye qui a été pendant dix ans président idu Conseil Economique et social a géré 800000 contacts; pour 700000 dossiers examinés, 35000 ont été résolus , ce qui en dit long sur l'ampleur de la catastrophe. Je vous invite à lire son livre: " Reprenons nous" où il y décrit une France en état de Burn out, où le moteur d'exclusion tourne à plein régime. Delevoye avait écrit un précédent livre " le guide du bon sens" paru en 2008.
Qui détient l'administration détient le pouvoir.
Alors une question se pose: si l'Etat lui même n'est plus en mesure de maîtriser son administration, s'il en vient à jouer les arbitres de ses propres décisions, alors nous sommes en droit de nous inquiéter sur le mot démocratie. Face à la posture autiste de certains fonctionnaires qui se réfugient derrière des textes abscons, il ne reste plus grande marge de manœuvre au citoyen désemparé sinon le rendez vous bienveillant avec son élu ou son parlementaire. En désespoir de cause, il pourra toujours alerter l'opinion publique par voie de presse. Certains en viennent à la solution extrême comme la grève de la faim ou, plus dramatique, comme cet architecte qui s'est tiré une balle dans la tête sur le parvis de l'hôtel des Impôts à Créteil en janvier dernier.
Mais N'accablons pas trop les fonctionnaires . Ils sont les premiers otages de décrets absurdes inventés par des parlementaires qui n'en mesurent pas toujours la portée. On constate que très souvent des problèmes trouvent une issue favorable grâce à la bonne volonté d'un agent qui prend sur lui de faire une entorse à un texte pour arranger les choses. C'est notamment le cas des services fiscaux dont les agents font souvent preuve de compréhension , même si le contribuable est en faute.
Malheureusement , ce sont des cas isolés; la plupart du temps, le citoyen est broyé par une machine qui ne pense pas. Comme le chantait Jacques Brel: " Chez ces gens là monsieur, on ne pense pas". Pourtant les français ne sont pas fâchés avec leur administration. Pour preuve, un récent sondage indique que 60% des jeunes aspirent à devenir fonctionnaires. Une réaction due à la crise sans doute; les avis étaient différents dans les années 1960.
Courage fuyons...
Pas étonnant dans ces conditions de constater l'expatriation et la délocalisation des PME PMI, ce qui ne semble pas interpeler les gouvernements successifs, depuis ces trente dernières années, lesquels tournicotent et feignent d'en ignorer le problème . Il va bien falloir pourtant qu'ils fassent preuve de courage et d'honnêteté en dépoussièrant l'administration française vieille de trois cent ans, bien éloignée du citoyen. A mon niveau, j'ai mis depuis longtemps un cahier de doléances à la disposition des habitants de ma commune pour connaitre et résoudre les questions locales. Le département favorise également la relation directe avec le citoyen mais plus vous vous élevez vers la haute administration plus cela devient difficile; on peut le comprendre. Les tribunaux administratifs prennent alors toutes leur importance. Et ce n'est pas Le mouvement que vient de lancer Nicolas Sarkozy avec sa reforme territoriale jacobine qui va arranger les choses. La centralisation politique s'accompagne toujours d'une concentration administrative qui ne compense pas pour autant la perte de proximité des élus. A coup sûr la ruralité et le département de la Manche ne sortiront pas indemnes de cette reforme .
"La démocratie des champs" aura tôt fait de devenir de l'histoire ancienne si nous n'y prenons garde. Les élections sénatoriales ont été un avertissement, déjà oublié. Les présidentielles et les législatives mettront certainement une grande partie de la France à gauche... Aura-t-elle suffisamment d'audace pour réformer l'administration? Probablement pas; ce n'est pas dans ses mœurs . Une chose est certaine, nous risquons l'embonpoint et la fuite des plus téméraires vers l'étranger.
Ne nous égarons pas toutefois dans l'intransigeance ; c'est aussi, parfois un grand plaisir pour un élu de travailler en duo avec des administratifs qui nous apportent clairvoyance et compétence pour etre à l'écoute de nos concitoyens et répondre a leurs attentes. mais quoiqu'il en soit, l'administration restera le bouc émissaire d'un citoyen soumis à ses propres difficultés liées inévitablement aux decisions du pouvoir en place. L'alternance a de beaux jours devant elle, car si l'administration est un bon fusible pour l'Etat, nul n'est aveugle sur les responsabilités.
"Les bons patrons font les bons employés" dit-on.
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