Fin 2006, les conseillers généraux de la Manche décidèrent à la quasi unanimité de reprendre en mains l'organisation du transport scolaire dont le département avait, seul, la compétence. Nous fûmes quelques uns à évoquer les risques de pénaliser les entreprises locales et à regretter l'organisation que les collectivités assumaient pour le conseil général qui finançait 75% de la dépense, 25% du coût étant couvert par les familles et (ou) les collectivités pour tendre vers la gratuité.
Les objectifs de sécurité, de réduction du temps de transport et d'équité financière entre territoires, mais aussi entre collégiens et lycéens, eurent raison de nos craintes et de nos réticences. En effet, jusqu'alors, ce sont les familles qui finançaient les frais de transport des lycéens; nous ne pouvions ignorer l'économie que notre décision entraînait pour les parents.
De leur côté, plusieurs collectivités bénéficiaient d'une économie importante qu'elles pouvaient réinvestir dans le soutien scolaire et les activités périscolaires. Globalement nous pouvions considérer que la prise en charge du transport scolaire par le département présentait des avantages pour les enfants et les familles.
Aujourd'hui, force est de constater que des élus locaux et de nombreux parents ne sont pas satisfaits du dispositif mis en place... la suppression de plusieurs points de ramassage oblige désormais des enfants à parcourir à pied, dans la rosée du matin, des distances parfois importantes sur des routes de campagne insécurisées.
Pour le département, réduire le nombre de points de ramassage réduit la durée du trajet; c'est mathématique. En revanche, pour les familles, faire un ou deux kilomètres à pied impose de se lever plus tôt et augmente l'insécurité; ce n'est pas faux non plus!
Les organisateurs font alors remarquer que beaucoup d'écoles primaires et maternelles, une grande majorité, ne disposent pas d'un ramassage scolaire; les enfants doivent s'y rendre à pied lorsque les parents ne peuvent les y emmener. Il faut reconnaître que les collégiens étaient privilégiés d'autant que, bien souvent, le car s'arrêtait à leur porte.
Ainsi naissait l'idée de ne maintenir qu'un seul point d'arrêt permanent et sécurisé dans chaque bourg afin d'éviter toute disparité entre les enfants et entre les territoires. Cette recherche d'équité et de sécurité est louable évidemment mais elle occulte les réalités sociales et géographiques de ces territoires.
La Manche est un département rural; sa richesse est dans sa diversité mais la diversité n'est pas, hélas, synonyme d'égalité. Nombre de secteurs ruraux sont des zone de repli de la précarité; ils accueillent, de plus en plus, dans un habitat dispersé, une population dont la fragilité peut être accentuée par l'isolement.
L'analyse des statistiques concernant les allocataires du RSA et le revenu fiscal des familles en atteste; l'arrière pays du territoire de solidarité du Mont Saint Michel est particulièrement touché à cet égard. 53,13% des 623 allocataires du RSA du mortainais perçoivent une indemnité depuis moins de deux ans contre 51% dans l'avranchin.
En même temps, les dernières données de l'INSEE nous indiquent que la faible augmentation démographique de 17 cantons du Sud Manche, de 2008 à 2009, (292 habitants pour un total de 130704) est essentiellement due à la croissance de communes rurales qui se sont rajeunies alors que les communes chef-lieu ne cessent de perdre des habitants du fait du vieillissement et du desserrement de la population.
Ces chiffres doivent conduire le département à une réflexion partagée avec les communes et les communautés de communes afin d'apporter une certaine souplesse au dispositif qui sera mis en place et d'imaginer des solutions locales qui prennent en compte ces données sociales. De toute évidence, le département ne peut résoudre seul la quadrature du cercle. Mais des solutions locales et solidaires devront être trouvées pour éviter l'irréparable: la fin d'une société rurale agressée de tous côtés par les réformes et les contraintes.
Image perros-guirec.fr
Image perros-guirec.fr
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire