Dernièrement, en qualité de représentant du conseil général de la Manche, président de la commission RSA du territoire de solidarité du pays du Mont Saint Michel, j'ai été invité à participer à une réunion organisée par madame Jonchère, maire adjoint d'Avranches, responsable du comité de pilotage chargé de se pencher sur la situation des gens du voyage... une réunion tout à fait intéressante qui a traité des actions des collectivités et de leurs difficultés face aux problématiques sociales de cette population qu'il nous appartient de prendre en compte dans un souci de solidarité et d'équité.
La société a des devoirs à l'égard de tous ses membres mais les accomplir peut devenir difficile lorsqu'une culture s'oppose aux règles habituelles imposées à l'ensemble des citoyens d'un pays. Pour autant, le mode de vie des gens du voyage ne peut servir de prétexte à des faux semblants de solidarité sous-couvert d'indulgence. Leur statut, obtenu en 1969, en fait des citoyens français à part entière et ils deviennent électeurs après trois années de domiciliation dans une commune française. A ce titre, ils ont des droits mais aussi des devoirs.
Ces domiciliations sont très nombreuses dans les communes du Sud Manche et comptabilisées dans la population totale. A preuve, 10% des 1700 allocataires du RSA du territoire de solidarité du Mont Saint Michel, Avranchin et Mortainais, sont des gens du voyage. Ils peuvent y séjourner grâce aux aires d'accueil d'Avranches, Granville et Saint Hilaire du Harcouet.
L'itinérance est la première difficulté à surmonter pour agir dans la continuité et la durée et donner un réel crédit aux contrats d'insertion sociale réalisés principalement autour des questions de santé et de scolarité, parfois de l'insertion professionnelle et, très rarement, l'habitat.
De fait, seules la santé et la scolarisation permettent d'ancrer, sur des objectifs fiables, les contrats établis entre le conseil général et les gens du voyage, bénéficiaires de l'aide départementale. Toutefois, il faut bien le reconnaître, le droit à cette aide n'est pas réellement assujetti à des contreparties qui permettent d'obtenir des résultats très satisfaisants pour les deux parties. J'ai retenu que "beaucoup de voyageurs qualifient le RSA de boulot de madame" et qu'ils ne porteraient pas beaucoup d'intérêt au contrat s'il ne conditionnait l'aide financière du département.
Il s'agit là d'une situation d'exception; elle ne peut nous satisfaire car notre action sociale vers ce public est peu efficace; de plus, ne rien évaluer et ne rien exiger parce que nous sommes démunis face au mode de vie des gens du voyage crée une situation discriminante discutable.
Prendre l'alibi du respect d'une culture et d'un manque de moyens serait se donner bonne conscience et se déresponsabiliser à l'égard des gens du voyage. Se suffire, par exemple, de quelques fiches d'inscription scolaire sans indication du nombre de jours réellement scolarisés par séjour, c'est généraliser la dérogation à l'obligation scolaire; c'est aussi accepter que des générations d'enfants restent analphabètes; c'est aussi les maintenir dans la dépendance de la marginalisation culturelle à leur corps défendant et c'est renoncer à une possible insertion sociale.
Il en est de même sur le plan santé. Notre incapacité à développer la prévention dans ces communautés est coupable d'indifférence.
En fait, donner une aide sans avoir vraiment de déclaration de revenu -nous savons tous que "beaucoup de voyageurs sont des travailleurs indépendants"- et sans s'accorder sur des exigences sociales, c'est faire preuve de sensiblerie et de faiblesse non respectueuse des personnes. Certes, elle nous dédouane à l'égard de cette population qui, de son côté, ne semble pas toujours avoir besoin de notre contribution sociale, l'aide financière étant leur priorité.
Je conçois que, pour les travailleurs sociaux, la situation ne soit pas simple sur le terrain. La recherche d'équité n'exclut pas d'accepter le droit à la différence mais ce droit peut-il être généraliser pour toute une communauté? L'itinérance est un choix de vie culturel qu'il faut respecter; cela ne nous dégage pas pour autant de nos responsabilités vis à vis de la santé ou de l'obligation scolaire.
En conséquence, il nous appartient de mettre en place un vrai protocole qui définisse des droits et des devoirs; d'autres départements l'ont fait. Humanisme n'est pas laxisme;toute générosité doit être cadrée pour qu'elle atteigne son but.Photo lexpress.fr
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