Faire la Manche

Le réveil c'est pour quand?

A l'aube d'une réforme des collectivités locales dont la vocation première est de réaliser des économies et de faire converger les efforts pour développer l'économie en s'attaquant aux dépenses sociales et à la précarité en créant de l'emploi, puis à renforcer notre cadre de vie par des projets structurants, mon attention a été attirée par la réaction de quelques élus sur la situation économique de la future communauté d'agglomération du pays du Mont Saint Michel. Notamment suite à la publication d'articles de presse et d'une étude diligentée par l'État pour analyser l'opportunité d'accueillir ou non un centre de tri ECO TLC du Relais sur l'écoparc du Val de Sée.

Depuis quelques semaines la presse passe au crible les projets d'investissement de la Communauté de communes actuelle d'Avranches Mont Saint Michel. Ainsi, la Manche libre (26/11), parle d'un programme de 44 millions d'euros sur les cinq prochaines années. Je ne souhaite pas me mêler ni donner mon avis sur la politique d'une autre collectivité que celle que je préside - même si nous nous apprêtons à la rejoindre - mais, comme d'autres, j'espère qu'une bonne partie des  investissements annoncés contribueront à générer des recettes nouvelles et surtout de l'emploi, car à la lecture des chiffres de l'INSEE « corroborés par l'inquiétude des chefs d'entreprises des PME et TPE » pour les mois à venir, j'ai le sentiment que nos priorités doivent aller dans le sens de l’économie et de l’innovation. Si la création d’un palais des congrès et d’un grand stade de foot s'inscrivent dans un grand projet économique et peuvent créer de nouvelles richesses, tant mieux; mais n'ambitionnons pas de rivaliser avec Caen et Rennes et leur méga structures à 45 minutes du Sud Manche. J'aime la musique et le foot mais le plaisir des oreilles et des pieds fut-ce t t’il d'intérêt régional ne risque t’il pas d'amputer pour un bon moment les capacités d'emprunt de la nouvelle collectivité ? Pour autant Je vous rassure, ça ne provoque pas d’insomnie chez moi, car je me dis que de telles dépenses ont du être mûrement réfléchies. De plus, je n'ai pas toutes les données en mains, et je fais confiance aux élus en place même si les chiffres avancés par la presse sont importants. Pour l'heure , chacun comprendra que je préfère me consacrer á défendre des projets économiques dont le territoire a besoin plutôt que d'être critique sur des questions dont je ne connais pas toutes les données. En revanche, Il m'importe d'être réactif face aux obstacles qui ne cessent d'émerger pour contrecarrer ces projets. Justement, parlons de cette étude que je considère être faite á charge contre le projet du centre de tri textile du Relais prévu d'être implanté sur l'écoparc du Val de Sée en 2016.

Présentée récemment en CDIAE à la préfecture de la Manche cette étude m'a fait réagir immédiatement lorsque j'ai pris connaissance de son contenu. Á l'évidence l'idée d'un nouveau centre de tri textile en Normandie face au souhait d'hégémonie de Normandie TLC, ex COBANOR, ne passe pas.   Ainsi, les prévisions 2016 de Cobanor sont de 5000 T/an sur son site internet alors que l'étude les porte déjà à 6500 T pour la même année. Sachant que le potentiel de collecte pour la Normandie est de 30498,717 T/an pour la Normandie (9,2 kg/an/habitant) et que le potentiel  produit par habitant et ramassé passerait de 2,5 kg en 2013 à 4,6 kg en 2019, le potentiel  collectable serait  de 15249,358 T/an dans quatre ans.. L'étude s'arrange alors, en ajoutant á celle de Cobanor (8500t/an en 2019) la collecte de GEBETEX,  qui passerait de 1OO T. à 4000T. en 2019 et celle de Solidarité textile Rouen; bref, avec les 3500 t/an du Relais, on dépasserait de 1000 T. le potentiel 2019, oubliant que le centre du Relais serait construit pour décongestionner son centre breton d'ACIGNE de 1500 T.

Regardons les chiffres en face

Pour enfoncer le clou, l’étude s'efforce de démontrer la bonne fortune du Sud Manche en matière économique. Elle oublie un peu vite la situation précaire des AIM et de bien d'autres entreprises allant même jusqu'à évoquer la bonne santé de quelques-unes de Saint-Hilaire-du-Harcouet notamment où la société RW Couture a décidé de déménager sur Louvigné du Désert embarquant dans ses bagages 80 emplois féminins pour la plupart. Evidemment, la dite étude se garde bien de parler des statistiques de l'Etat concernant l'évolution des emplois industriels du Sud Manche entre 1999 et 2009 sur les territoires des Communautés de communes :

 -8% sur Villedieu-les-Poèles

- 34% sur celle de Saint James

 -21% sur celle de Saint Hilaire du Harcouet

  -9% sur celle du Mortainais) 

 Nonobstant les chiffres des emplois agricoles dans la même période :

 (-30%). À part ça tout va bien.

Le chômage est de 7,3%, le plus faible de Basse-Normandie, super,  mais on omet de dire que l’hémorragie migratoire qui a commencé au XIXe siècle n’a jamais cessé. Pour preuve : près de 200 jeunes pour 10000 habitants quittent chaque année le territoire sans y revenir. Sauf à la retraite... Pas de quoi être fier, nous avons le plus fort taux de la Région de chômeurs qui vont chercher du travail ailleurs. Pour s’en convaincre il suffit de suivre l'évolution démographique dans le Mortainais.

Un territoire vieillissant

Attractif le Sud-Manche ? pour les seniors sans aucun doute. Pour la même période, la classe d'âge des 75 ans et plus a augmenté de :

+ 35,2% sur Avranches-le Mont Saint Michel

+ 45,7% sur le Val de Sée

+ 50,1% sur Saint Hilaire

 Alors que cette classe d'âge n'a progressé que de 33,3% sur la Manche.

Qu'on se rassure, cette population constitue le plus gros pouvoir d’achat. C’est bon pour les spectacles tout ça, mais moins pour les salles de sport, courir avec de l’arthrose…

Tout cela ne prête pas à rire: la précarité s'installe à grands pas

Les personnes en grande pauvreté se trouvent dans une sorte de "halo du chômage", dont les chances de sortir "sont très faibles, en raison du cumul de handicaps lourds, notamment en matière de santé, d'éducation et de logement".Ce "cercle vicieux de la pauvreté (...) constitue un noyau dur de l'exclusion dans notre pays: des femmes chefs de famille monoparentale et leurs enfants, des hommes isolés et dépourvus de qualifications professionnelles, des femmes seules et âgées". Quant à ceux qui travaillent, l'Onpes s'inquiète des personnes aux "qualifications insuffisantes", que « le fonctionnement sélectif du marché du travail, prive quasiment de toutes chances d'accéder à un emploi durable et de qualité », comme l'attestent les derniers chiffres du chômage de longue durée.

L'évolution du nombre d'allocataires du RSA  entre le 15/07/2010 et le 31/08/2015 a été de 123% sur le territoire de solidarité d'Avranches-Le Mont Saint Michel. Une explosion qui a fait passer le nombre d’allocataires de 703 à 1568. Le curseur est au taquet dans le mortainais avec un taux de 169% soit un bon de 371 allocataires à 998. Et pour couronner le tout le nombre d'allocataires sur ces deux territoires dont la population est d'environ 90000 habitants est supérieur de 16% par rapport à la Manche, alors que nous avons moins d'actifs et plus de seniors (pourcentage calculé par rapport à la population totale).  Cerise sur le gâteau, la "durée de vie" d'un allocataire dans le système y est plus longue dans le Sud Manche.  Les plus de 10 ans dans l'allocation représentent 9,32% du total des allocataires alors qu'il est de 7,16% sur l'ensemble du département. « Le travail c’est la santé, ne rien faire c’est   la conserver » comme le chantait l’ami Henri Salvador.

Pour l’heure, cette triste réalité est la preuve éclatante que l’on peut manipuler les chiffres, leur faire dire ce que l'on veut pour atteindre des objectifs. En attendant le Sud Manche s'appauvrit et je ne vois pas de grandes idées émerger pour le sortir de cette léthargie. La nouvelle communauté du Pays du Mont Saint Michel va devoir sérieusement se mettre au boulot et se creuser la cervelle. Vaste programme aurait dit de Gaulle.