La Manche et ses élus.

Pas une Manche plus courte que l’autre.

Chaque territoire vit ses mutations au gré des mouvements politiques ou des changements de générations. À vrai dire la Manche, ce département « violemment modéré », selon Alexis de Tocqueville, n'a pas subi d'orogenèse notoire depuis sa création. Tout juste quelques modifications climatiques dues aux tempéraments des hommes qui l'ont dirigé depuis l’après-guerre. Après Henri Cornât (1946-1968) et Léon Jozeau Marigné (1946-1968), dont l'indépendance traduit  bien la difficulté des manchois, parfois manchots, à se démarquer  de leur légendaire, "ptéte ben qu'oui, ptéte ben qu'non", arrive tout de même un coup de vent de la gauche, qui, en 1988,  déracine le bon Léon, libérant du même coup la parole au sein du Conseil Général de la Manche où les élus n'avaient guère le droit de s'exprimer qu'après six années de purgatoire. Un juriste remplace un autre; Pierre Aguiton, premier magistrat  de la Cour de Cassation est un tribun issu des républicains indépendants dont le charisme renverse les tendances à se plier aux ascendances RPR dominantes au sein de l'assemblée départementale. D'abord élu "sous contrôle " ce libéral a vite fait d'entraîner l'adhésion au sein du Château ( CG) dont la construction valut la chute de son prédécesseur, "son ami" qui, à plusieurs reprises lui savonnât la planche pour l'empêcher d'accéder d'abord à l'assemblée nationale  où siégeait Emile Bizet, un vétérinaire, apparenté RPR,  puis, au Sénat en 1982. Ce bon ami  l'obligeât  à se retirer au 2ème tour de l'élection au bénéfice d'un jeune loup, vétérinaire de profession lui aussi,  qui chassait en meute, selon ses dires, au sein d'une équipe RPR bien soudée à l'époque.  Le jeune Loup devra tout de même attendre 10 années pour succéder à Pierre Aguiton, après avoir éliminé Jean Claude Lemoine, un cacique de son parti. C'est ainsi que Jean François Legrand, désigné par le RPR de la Manche, prit les rênes du département en 1998, date de mon arrivée au conseil général où il fût élu puis réélu sans suspense à chaque renouvellement. Un autre homme...  Un autre tempérament, pour une nouvelle gouvernance... Un sensible sous des allures de matador qui recevra l’estocade au grenelle de l'environnement par des amis de "toujours" arrimés aux intérêts de grandes entreprises.... Un politique avant tout, certes, mais un copain également capable de   largesses dans ses moments de faiblesses... Un créateur, un peu parieur sur l'avenir. Des dispositions que tous les élus n'ont pas pour être capables d'anticiper.

Aujourd'hui, Jean François Legrand  a décidé de poser son sac et de passer le gouvernail d'un navire, qui aura besoin de revoir sa trajectoire  suite à la crise et aux réformes. Son équipage sera composé à 75% de nouveaux moussaillons. ... Une nouvelle mutation se prépare dans un contexte humain, politique et territorial  incertain qu'il faudra savoir canaliser pour éviter la marginalisation économique d'un département qui sera éloigné des centres de décision de la future Grande Normandie. Philippe Bas correspond certainement au profil du futur pilote qui devra tenir le manche de notre département pour lutter à armes égales avec les hauts normands.  Il  connaît mieux que personne les rouages et les chausse trappes de la politique en sa qualité de Président de la commission des lois du Sénat, à l’instar de Léon Jozeau Marigné en son temps. Les générations se succèdent, il est vrai; mais la Manche semble avoir cette chance ancrée dans ses gênes : l'héritage de la modération et de la continuité. Pour autant il faudra savoir manœuvrer  pour éviter les écueils qui ne manqueront d'émerger.

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