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samedi 30 avril 2016

République solidaire vraiment ?




En 2012, Dominique de Villepin officialisait le lancement de son propre mouvement politique, baptisé "République solidaire" et de lancer dans un discours comme il en avait le secret à la forte tonalité gaullienne : "Notre système économique et social est à bout de souffle. Que tous ceux qui dans notre pays se laissent gagner par le fatalisme (...) puissent se laisser convaincre que quelque chose de nouveau se lève à nouveau en France, quelque chose qui ne cessera au fil des mois de grandir . »Un discours qui à fait long feu… Le 27/4/16 Marion Maréchal Le Pen déclare « qu'elle était saoulée des valeurs de la République » ; quelques jours plus tard, Gilbert Collard, son collègue de l’Assemblée lui emboîte le pas estimant : «  que ce prosélytisme républicain est bien mal venu quand ceux qui le pratiquent ne sont pas des exemples » et de citer quelques noms d'hommes politiques de gauche comme de droite qui ont fait l'actualité, et bien d'autres peu enclins à la fraternité et à la solidarité, cherchant plus à diviser les français qu'à  les rassembler. Du Lepen pur jus me direz-vous surfant sur la vague du « tous pourris ». Cela dit, c’est vrai aussi que l’image de la république est sérieusement entachée par la faute de quelques brebis galeuses. 


Pour autant, il ne faut pas jeter le bébé avec l’eau du bain. La France, admirée pendant des siècles pour sa culture et ses valeurs, se trouve confrontée en ce début du 21ème siècle à  des difficultés liées  essentiellement  à de profondes mutations de la société qu'elle n'a pas su anticiper: le profit n'est pas équitablement partagé, la cohésion sociale se distend, la fraternité est un leurre pour bonne conscience, l'individualisme règne en maître attisé par les peurs créant le repli sur soi et l'isolement. La solidarité est devenue officielle se confondant avec un assistanat entretenu au nom d’une paix sociale par un État à bout de souffle qui n’est plus que la caricature d'une société jadis généreuse.


Justement parlons en de la générosité: elle est un sentiment qui se partage non un devoir attribué à un  chef de file pour remplacer la responsabilité individuelle par une responsabilité collective, anonyme et coûteuse, antidote à la liberté du citoyen. En son temps, Alexis de Tocqueville dénonçait déjà l'État providence : " le gouvernement ayant pris la place de la providence, il est naturel, que chacun l'invoque dans ses nécessités particulières ». C'est ainsi qu'en prenant le monopole des fonctions de solidarité, l'État a dispensé les collectivités locales, les associations, les citoyens, - la société civile en quelque sorte - de s'impliquer  dans une solidarité de proximité, moins coûteuse mais plus humaniste et surtout plus réactive.
Le hic c’est que l’humanisme rime parfois avec amateurisme. Or il faut le reconnaître bien des situations exigent une qualification professionnelle que la bonne volonté ne peut remplacer. Pour autant chacun à son niveau peut apporter sa quote part. Le handicap, le vieillissement, la précarité et toutes leurs conséquences sociales et familiales sont autant d'obstacles à l'autonomie qui plongent l'homme dans la dépendance morale, matérielle et financière. Ces situations nécessitent bien sûr une politique sociale et une solidarité collective; mais l'État s’est empressé d'en refiler une grande part, sans tous les moyens nécessaires, aux  départements et à leurs personnels qui croulent sous le poids des réglementations et des responsabilités  laissant peu de place aux initiatives et au partage avec les acteurs de terrain gentiment  dispensés de s'impliquer dans la solidarité de proximité; déontologie oblige mais ça devient kafkaïen.


 La France est l'un des États providence le plus coûteux; les dépenses sociales représentent 30% du PIB, largement au-dessus de la moyenne des pays de l'OCDE  qui voisine autour des 22%. Des dépenses auxquelles il faut ajouter celles des départements.  Pour celui de la Manche, près de 50% de son budget est consacré aux solidarités, soit près de 500€ par habitant, une dépense qui ne cesse d'augmenter au détriment des autres domaines de fonctionnement  et des investissements, des routes et de l'aménagement du territoire notamment. Conçue pour sortir les gens de la pauvreté et de la dépendance, la politique sociale de l'État se doit d'être organisée; toute aide mal ciblée favorise la critique, décourage le travail et fabrique des assistés. Son coût : 660 milliards par an. Jean Marc Ayrault, alors premier ministre  déclarait en octobre 2013 en réponse au commissaire européen à propos des retraites : «  qu’il était  fier d’être français ». La réplique du New York time a été claire : « La retraite se prend à 60 ans ou moins. Beaucoup de Français disposent de cinq à six semaines de vacances chaque été. Ils travaillent en moyenne 35 heures par semaine et possèdent d'importants moyens de lutte et de recours contre les licenciements."


  Oui la France peut être fière de sa générosité mais elle ne peut continuer longtemps à ce rythme.  Ses dépenses sociales amputent son développement économique, générant ainsi le chômage et une précarité de plus en plus coûteuse. C'est pourquoi, seule une prévention primaire de proximité portée par la société civile peut en réduire l'hémorragie. Pour ce faire il devient nécessaire de repenser la solidarité afin qu'elle ne repose pas seulement sur des concepts administratifs de prise en charge collective dont l'efficience n'est jamais évaluée au regard de l'intérêt de l'individu. Selon qu'un enfant soit placé  en famille ou en établissement suite à un signalement, il en coûte annuellement au département une dépense de 40000 à 50000 euros. De là à penser qu'une telle dépense pourrait être évitée par un suivi précoce de la situation de l'enfant dans sa famille ( aide éducative domicile ou parrainage local ) il n'y a qu'un pas, sachant qu'une aide à domicile peut suivre 30 enfants et que le placement en établissement peut être une solution traumatisante pour ce dernier. Nous pourrions également avoir de meilleurs résultats dans la gestion des allocataires du RSA, s'ils étaient sérieusement suivis et soutenus localement. De même pour le maintien à domicile des personnes âgées pour lesquelles il est urgent d’organiser un grand chantier pour tout repenser et ce n’est pas une mince affaire, nous en reparlerons avec la loi sur le vieillissement...
  À l'heure de la création de Communautés de communes tentaculaires, il importe de sensibiliser les élus locaux sur le rôle social des territoires quitte à les  soutenir par des contrats sociaux  susceptibles de créer une dynamique locale porteuse de cohésion sociale. "Qui trop embrasse  mal étreint "dit-on. Certainement : l'efficacité passe par un maillage étroit des responsabilités, l'État, les Départements n'étant que le coordonnateur d'une société qui doit s'appuyer sur l'engagement de ses membres pour être libre et fraternelle.


10 commentaires:

  1. Vous avez raison il faut donner oui, mais il faut aussi à mon sens une contrepartie de la part des allocataires.
    Pour que cette générosité et cette mise à niveau sociale soient justes et comprises pour ceux qui financent par leurs impôts, il faut que ceux qui sont aidés donnent un peu de leur temps à la société.
    Cette par le travail et le bénévolat que l'on peut s'en sortir.

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  2. Tout a fait les aides doivent être bien ciblées. L'individu a des droits et des devoirs. L'assistanat est contraire à l'objectif d'autonomie qu'il faut atteindre.

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  3. Anonyme5/01/2016

    L'Etat providence nous coûte cher en effet. Les abus sont nombreux; ça donne du grain à moudre à beaucoup de détracteurs et ça désengage les acteurs locaux mais à leur corps défendant, rien n'est fait pour les motiver, connaissent-ils seulement les situations locales? Vous avez raison la prévention est quasiment absente.

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  4. Anonyme5/02/2016

    Les départements veulent redonner la gestion du RSA à l'État. N'est-ce pas contradictoire avec votre propos?V.T.

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  5. La Manche demande que l'État participe au financement du RSA.Mais nous pensons qu'il faut en garder la gestion. Il nous appartient de participer à la réduction de la précarité avec les collectivités locales. Les résultats montrent l'efficacité du partenariat là où il existe.

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  6. Anonyme5/02/2016

    La gestion des allocataires du RSA est du ressort de l état vous ne pouvez pas faire grand chose et comme nous sommes toujours entre deux élections il ne faut surtout pas déplaire. Avec seulement 22 millions d actifs et un chômage andemique nous ne sommes pas au bout du tunnel. Cdt

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  7. Anonyme5/03/2016

    Ouest France d'aujourd'hui titre "l'économie sociale crée de l'emploi" en Normandie. 5600 ETP entre 2008 et 2013 et principalement ancrés dans nos zones rurales bas-normandes.
    Je suis heureux de constater encore une fois qu'au travers de vos messages subliminaux de ce blog vous avez toujours une grande longueur d'avance sur les politiques et leurs administrations.
    Quand vous dites qu'il n'y a pas de fatalité je vous répondrais que tout dépend du point de vue considéré.
    Vos ennemis cherchent à vous isoler car vous êtes le poil à gratter des carriéristes et autres obsessionnels du pouvoir. Dommage que vous n'ayez pas 20 ans de moins pour faire le ménage.
    Jojo

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  8. Anonyme5/03/2016

    C'est aux électeurs de faire le ménage en ne glissant pas n'importe quel bulletin dans l'urne. Hélas pour les autres (sénateurs, pdt de conseil territoriaux etc) on n'a pas le choix. C'est ça la démocratie
    cdt

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  9. Anonyme5/03/2016

    Nous serions au XVIII les sans-dents prendraient les fourches.
    Aujourd'hui, tel l'antiquité et ses dictatures, du pain et des jeux suffisent à maintenir le calme dans la plèbe... the voice et les alloc
    Ce qui est dingue c'est qu'en abetissant les futures générations en nivelant par le bas (réformes des collèges et autres) on s'assure de fabriquer des veaux, mais aussi des gens sans dicernement plus sujets à la révolte.
    Je finis par croire qu'un vote extrême sera effectivement le seul moyen de nettoyer le système si tant est que tous les partis ne soient pas déjà muselés.

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  10. La démocratie n'est pas chose facile. Les excès nous portent à nous replier sur nous mêmes. Mais je pense qu'il ne faut jamais renoncer face à l'adversité. La démocratie nous donne aussi de grandes satisfactions. Penser aux extrêmes n'est pas la solution. Ce serait nous lancer dans l'inconnu. C'est pourquoi nous nous devons de lutter pour des objectifs qui le méritent. La générosité en est un.

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