Européennes au parfum des marinades dans la Manche

Comme on pouvait s'y attendre, élus  et politologues y vont chacun de leurs analyses pour tenter d’expliquer aux français - surtout ceux qui n’ont pas voté – les conséquences des résultats des élections aux européennes. Comme toujours en pareil cas, les arguments fusent, et c’est à celui qui s’emparera du micro pour nous dire à mots couverts que les Français n’ont rien compris à la crise, rien compris à l’Europe etc. Une chose est sûre, l’arrivée en tête du FN n’étonne personne, comme ne manque pas de le clamer certains parlementaires, comme le député d'Avranches Gwenaêl Huet qui estime que le FN a toujours fait ses meilleurs scores sous un gouvernement de gauche et d'ajouter : « l'UMP obtient autant de suffrages que le PS et le Centre réunis ». Pourquoi mettre le Centre et L'UDI avec la Gauche? Philippe Gosselin, député de Saint-Lô, observe quand à lui, que les électeurs n'acceptent pas la politique calamiteuse du gouvernement mais reconnaît 
« honnêtement » que c'est un mauvais score pour la gauche comme pour l'UMP qui devra s'interroger en interne ». C'est mieux.  Le représentant UMP David Margueritte de Cherbourg, présent sur la liste Lavrilleux,(UMP) y va également de son couplet, se réjouissant de la victoire de son parti dans sa ville (FN,19,85% UMP, 20,58 PS, 20,58 verts, 8,53 ) parlant de l'effondrement du bloc PS/Verts dans la Manche. Stéphane Travert député PS du département déplore qu’un grand nombre d'habitants nourrissent un sentiment d'abandon et de relégation ... « Ça fait froid dans le dos dit il ». Glacial plutôt...

Autant d'analyses qui tentent de minimiser l'échec des partis de gouvernement et nous interpellent sur l'aveuglement d'élus qui se refusent à prendre leurs responsabilités dans la victoire de Marine Le Pen. Pourtant, un élément de réponse à la montée du FN est sans doute à trouver dans le comportement de la classe politique dans sa diversité. Il ne se passe pas une semaine, sans qu’une nouvelle affaire politico-fiancière ne fasse la une de la presse. Ajoutons à cela les difficultés économiques, les augmentations d'impôts, et vous obtenez un cocktail imbuvable prompt à démoraliser les citoyens et à dégrader l'image des politiciens plus enclins à leurs yeux de dévaloriser l'adversaire plutôt  qu'à proposer des pistes pour sortir la France du déclin. Et ça dure depuis quarante ans. La confiance a quitté des électeurs perdus au coeur d'une dialectique idéaliste qui se joue des contradictions socio-économiques pour en faire le moteur d'une politique  démagogique dont le seul horizon est la prise du pouvoir. Et c’est bien là tout le danger, car c’est le terreau fertile sur lequel pousse les discours d’intolérances des extrémistes de tous poils qui en rajoutent au passage. Mais qu'on se rassure, la victoire du FN aux européennes n’est pas un ras de marée bleu marine comme certains spécialistes de l’intox voudraient nous le faire croire. En revanche, c’est un sérieux coup de semonce qui, si nous continuons de nous jouer des préoccupations légitimes du peuple risque de nous conduire tout droit vers des lendemains obscurs. Analysons les résultats obtenus dans la zone Nord Ouest et sur notre territoire. Le Front National obtient 33,61% des voix pour18,75% à l'UMP, 9,38 au centre, 11,78 au PS, 6,38au front de gauche et 7,15 aux verts quand le FN fait 26% dans la Manche et le calvados et 30,33% dans l'Orne contre 23,4% , 20,5% et 23,22% pour l'UMP. Un bouleversement dans notre département de tradition conservateur, voire centriste et radical de gauche qui voit son électorat attiré par les sirènes de la Marine. L’explication de cette déculottée des partis dits «  traditionnels » est  due aux zones ouvrières du Nord de la France et aux zones rurales de Basse-Normandie frappées par la précarité, qui n’ ont d’autres mains que celles du FN. Nous avions déjà constaté ce taux aux présidentielles et aux législatives. Le conditionnement des esprits à la faveur des grandes crises est l’une des composantes des partis extrémistes, qui profitent du désarroi des plus faibles pour sortir la tête de l’eau.

Les absents ont toujours tort

Dans le Sud Manche, l'absentéisme est aussi important qu'ailleurs, bien que les sondages affirment que les jeunes ont moins voté que les seniors. Plus préoccupant, le vote FN, ne fait qu'augmenter dans  les cantons ruraux de Barenton, Le Teilleul, et Saint Pois qui donnent plus de 30% au FN. Qu’ils se rassurent, ils sont talonnés par ceux de Juvigny le Tertre, Sourdeval, La Haye Pesnel, Pontorson et Villedieu-Les-Poèles à plus de 29% alors que les zones urbaines de Granville et Avranches sont à 19%, un point de moins que Cherbourg et Saint-Lô où la gauche réunie rivalise avec la droite. À Cherbourg, UMP/Centre rassemblent 32,4% des voix quand PS/Verts/Front de Gauche obtiennent 37,5%. Même chose à Saint-Lô UMP/Centre plafonnent à 33,4% des voix alors que la Gauche réunie obtient 33,5% auxquels il faudrait ajouter les 4% de Arthur Devriendt  un jeune Saint-lois, chef de file de la liste Nouvelle Donne. Avranches et Granville sauvent l’honneur, la gauche revient à son socle dur des années 2000 avec près de 30%.

Quelles conclusions en tirer

Le Front National a largement bénéficié de l'abstention, mais il ne saurait représenter une tendance générale, que l’on voudrait faire passer comme celle d’une France nostalgique des valeurs utopistes d’un certain maréchal… Pour autant, son score en voix ne cesse d'augmenter, grâce à une rhétorique éprouvée destinée à un électorat simple qui jette un bulletin dans l’urne sans voir le piège qui se refermera immanquablement sur lui, et sur nous par ricochet. On appelle ça, des dégâts co-latéraux. En cette année de commémoration du 70ème anniversaire du  débarquement en Normandie, n’oublions jamais ceux qui sont tombés pour redonner à l’Europe une liberté confisquée par des aventuriers de la politique au langage simple, mais efficace.