Municipales : les dieux se sont fachés

On a subi de nombreuses tempêtes cet hiver fort heureusement sans grands dégâts. Mais s'il en est une que les prévisionnistes n'avaient pas vu venir c'est bien celle qui s'est abattue sur le Sud Manche. À Avranches, en particulier sur cette colline granitique qui fait face au Mont-Saint-Michel. Nous avons eu un coup de vent qui a balayé les idées reçues en même temps qu'il a dégagé le ciel et  l'horizon jusqu'alors bouché. Ce soir là, Jupiter portait une veste en Tweed. David Nicolas-Mery a démontré que l'on pouvait s'imposer sans  mépriser son adversaire. Sa recette: un discours clair, et bien préparé l'ensemble s'appuyant sur une stratégie de communication élaborée...Le socle d'une campagne réussie. Avec près de 54%, Nicolas-Mery renouvelle le coup  de Philippe Durand (PS) en 1988 qui avait mis K.O excusez du peu, Léon Jozeau Marigné (CNI), alors sénateur maire d'Avranches, membre du conseil constitutionnel, président du Conseil général de la Manche  . À Saint Lô, où trois listes de droite faisaient face à deux listes de gauche, c'est François Brière, conseiller général, qui a eu raison du maire sortant, François Digard, conseiller régional UMP, qui postulait par ailleurs à la présidence de la nouvelle communauté de communes de l'agglomération saint loise, tapi derrière une tête de liste parfaitement inconnue. La ficelle était trop grosse, les électeurs ne se sont pas fait les complices de ces petits arrangements. Tout comme pour celui de la liste socialiste.

Dans la Manche comme partout ailleurs, on constate les effets de la politique de François Hollande qui se doit de réagir. Comme l'écrit Éric Decouty dans Libération : "Après la claque. Remaniez-vous !"  Il ne faut pas être grand clerc pour comprendre aussi que les scandales, les affaires politiques, sont à l'origine de l'abstention qui a frôlé les 40%, un record. Pire, elle révèle un désintérêt de la part des électeurs pour la politique, même locale. Tous sont mis dans le même panier de crabes, en quelque sorte. Aussi, quand ils s'expriment, ça peut faire mal... À Cherbourg, Jean Michel Houllegatte qui a succédé à Bernard Cazeneuve en a fait les frais. Il a été mis en ballottage par la liste UMP de Marguerite et celle UDI de Jean Levallois. Je ne serais pas étonné que Cherbourg-Octevile, MRP depuis toujours, ne soutienne pas Marguerite plus près de la droite dure que du Centre.  Mais que Jean Michel Houllegate se rassure, il devrait rassembler autour de lui de nombreux modérés au deuxième tour. Ce ne sera pas le cas pour Daniel Caruhel, maire de Granville ,"La Monaco du Nord" qui n’a pas le même destin que le rocher doré. Empêtré dans ses querelles intestines et ses problèmes portuaires, son embarcation ne pèsera pas bien lourd avec ses 14,38% (805voix). Que peut-il faire face aux  56% réunis par les des deux chalutiers battants pavillon de droite : Dominique Baudry et Michel Peyre qui s'affronteront au deuxième tour ? sans parler du Front National avec sa barque à 12% qui compte bien s'ancrer au port. Ah.. ces gars de la marine !

Et de trois pour le Pays du Mont Saint Michel. Le grand Pontorson devrait lui aussi goûter aux délices du changement avec la liste d'André Denot, un enfant du Pays, dont les racines mortainaises sont imprégnées de cette volonté créatrice qui a fait des normands des bâtisseurs remarquables. À coup sûr, avec un David Nicolas Mery, une Dominique Baudry, un Jean-Marc Julienne et d'autres... le territoire va retrouver un dynamisme qui lui fait tant défaut depuis des années au profit de joutes politiques stupides et stérilisantes. Il ne manquerait plus que la voix qui a fait perdre Francine Fourmentin se retrouve dans les bulletins nuls. À moins que la nullité ne consiste à refuser de recompter les voix... et voilà l'élection du maire de Sourdeval à rejouer, comme hier à la communauté de communes du mortainais. Il en va ainsi des soirs d'élections, il y a des vainqueurs qui feignent d'être heureux, ceux qui versent une larme - pour un peu ils embrasseraient leurs électeurs - et les perdants qui repartent penauds vers l'anonymat, humblement pour certains, hargneusement pour d'autres...

Une campagne en chassant une autre, après celle des municipales s'annoncent celles des communautés et des pays qui peuvent nous réserver des surprises. Avec le concours de "quelques bonnes volontés" et un esprit revanchard, un perdant devenu simple conseiller municipal ,comme à Saint Lô ou Avranches, peut s'asseoir dans le fauteuil de président de la Communauté d'agglomération ou la communauté de communes dont la réforme l'a fait membre, tenant ainsi à sa merci la commune centre où il a été battu. C'est le non sens de cette réforme qui nous fait tordre de rire, ou de douleur. On ne veut pas de cohabitation sur le plan national, mais on l'accepterait sur le plan local. Une stupidité bien française... Déjà qu'elle est à l'origine du comportement des électeurs frustrés dans les communes de plus de 1000 habitants où, jusqu'alors, il leur était possible de présenter des listes incomplètes et de panacher, donc de balancer les indésirables, il est inutile d'en rajouter. Remarquez bien que ce petit plaisir qu'on leur a retiré, a été remplacé par un autre : le vote blanc et raturé, quelques uns étant dus à une incompréhension à propos des deux listes présentées sur le même bulletin de vote pour le conseil municipal et la communauté. Nombre d'électeurs ont coupé le bulletin de vote en deux pour ne mettre  dans l'urne que la liste des candidats au conseil municipal. Ou se niche l'innovation....? À Hambye par exemple, les votes blancs et nuls ont atteint des records: 47,65%. C'est guère mieux ailleurs: Saint James (37%), Ducey (37,78%), Brécey (38,8%) etc... des pourcentages auxquels il faut ajouter celui des abstentions... En revanche, après avoir analysé les bulletins nuls, on constate que les électeurs qui se sont déplacés ont moins panaché que d'habitude... en 2008 à Brécey, pour la même liste, on enregistrait 450 listes complètes contre 700 aujourd'hui.  De plus, les candidats sortants retrouvent leurs voix de 2008, entre 860 et 960, ce qui signifie que les électeurs fidèles au maire et à ses colistiers se sont déplacés. Pour terminer sur une note optimiste, la réforme a tout de même eu des effets positifs pour les communes de moins de 1000 habitants où les candidats se sont pris en mains pour avoir des élus en nombre suffisant. Le résultat le prouve : 472 communes sur 601 ont un conseil municipal dès le premier tour... du jamais vu.

Je vous le dis, tout ça sent tout de même bon le changement.