Ce matin, j'ai revêtu l’espace d’un instant mon costume de chef
d'établissement ou plutôt de conseiller aurais-je envie de dire pour tenter de revenir sur des décisions arbitraires de conseils de classe qui se posent souvent en procureurs pour sanctionner et exclure. Forts de leur pouvoir, il arrive que les enseignants s'érigent soudain en jurés, se refusant à comprendre l'élève ou l'étudiant dont l'apparente indifférence peut-être jugée pour de la provocation. Pas de temps à perdre pour en savoir plus et mettre en rapport les aptitudes et les résultats. Les notes sont là. Pour peu que l'administration s'en mêle...L'affaire est close.
Messieurs les jurés n'en sont plus à faire une approche psychologique; chacun défend sa discipline quelque soit son importance dans le débat. Qu'importe les conséquences de leur verdict sur l’avenir d’un jeune, qu'importe ses aspirations; le moule est unique. Il n'y a pas la place à la marginalité même si elle est à fort potentiel. La France a besoin d'intellectuels sérieux bien formatés et non de tempéraments créateurs.
On a coutume de dire
qu’Il faut que jeunesse se passe. Encore faut-il que le monde enseignant comprenne qu'à 18 ans, beaucoup de jeunes sont encore dans l'adolescence, pas toujours prêts à faire les efforts et les sacrifices nécessaires qui s'imposent pour préparer une vie professionnelle dont ils ne connaissent pas la porte d'entrée. De plus il faut admettre que notre société ne les encourage pas à s’affranchir du noyau familial par peur de
l’avenir, face à des gouvernements qui naviguent à vue, sans leur donner de cap ni
d’espoir... et l’on voudrait que nos jeunes soient plus adultes que nous ?
Et pourtant, ils le sont. Nous avons beaucoup à apprendre d’eux. S'ils ne possèdent pas
encore les clefs, croyez moi, ils sauront vite les trouver. Les
enquêtes montrent que bien des chefs d'entreprises ne sortent pas de
polytechnique ou d'écoles d'ingénieurs renommées... quand ils sont
diplômés...C’est un signal encourageant - difficile à comprendre pour le système
éducatif français – mais les faits sont
têtus. Beaucoup sortent du rang quand ils ne se relèvent pas d'un échec
scolaire que le collège et le lycée ont parfois provoqués.
La renommée de l'établissement avant l'avenir de l'élève
Ma première intervention a concerné un jeune étudiant
d'une classe de mathématiques supérieure d'un lycée parisien. Classé dans le
premier tiers d'un effectif de 56 élèves au premier trimestre, son parcours
bascule en février et mars pendant le séjour professionnel de son père en Afrique. Les
retards et les absences en classe s'accumulent; les résultats chutent.
Cela lui vaut un entretien avec son professeur de maths qui apprécie ses
qualités. Ils passent un contrat pour le salut de l' étudiant et le passage en classe supérieure. L'étudiant doit démontrer qu'il est capable de se ressaisir par une présence assidue et l'amélioration de ses notes. L'effort du 3ème se traduit par un arrêt des absences une remontée de ses résultats qui doivent lui
permettre de passer en maths spé. Les oraux se succèdent et d'excellent résultats démontrent que la confiance revient. Au final, l'étudiant se retrouve dans la bonne moitié de la classe, celle qui peut prétendre au passage en classe supérieure. C'est méconnaître l'influence négative de l'administration en conseil de classe. Il devra trouver un autre établissement à la rentrée scolaire, le conseil considérant qu'il s'est déjà mis en congé avec 35 demi-journées d'absence au 3ème trimestre... si peu!
J'interviens personnellement auprès du proviseur... 35 demi-journées d'absences, c'est mathématiquement peu probable; il doit certainement s'agir d'une erreur ou d'un gag... mais la plaisanterie n'étant pas le fort du proviseur, je comprends très vite qu'il se range frileusement derrière les certitudes de sa CPE et d'ajouter " qu'il ne met pas en doute ses chiffres" et qu'il n'entend pas changer son rapport ni revenir sur la décision du conseil de classe compte tenu du nombre d'absences Et de conclure par ce prétexte fallacieux : « La
CPE, conseillère principale d'éducation, qui assistait au conseil de classe n'a
pu se tromper ».
"Au risque de
vous déplaire, je vous prouverai le contraire monsieur le proviseur". Il n'y a eu
que trois absences au 3ème trimestre; votre CPE reconnaîtra d’ailleurs sa
méprise. En conséquence de quoi, quelques heures plus tard, vous modifiez
votre avis et vous vous auto congratulez de ne pas avoir mis d'avis défavorable
pour le passage en classe supérieure de cet étudiant dans un autre lycée. A prendre ou à laisser. Le prof de maths soutient son élève auquel il croît et s'engage à soutenir sa candidature ailleurs. Merci, mais c'est un moindre mal.
Attendons la suite, en espérant qu’il soit définitivement admis. Monsieur le Proviseur s'en tire avec sa bonne conscience. Ses collègues des zones dites "difficiles" doivent néanmoins pouffer de rire mais il est vrai que l'on défend ici l'établissement et non l'avenir de l'élève...
Aux filles les emplois féminins
Le deuxième cas n’est pas mal non plus. Il s'agit d'une élève de 1ère à qui l'on conseille
d'arrêter sa scolarité pour préparer un CAP d'aide maternelle.. Un bon métier
pour une jeune fille qui aime les
enfants....Un discours digne des années soixante, mais qui ne me surprend pas.
J’ai déjà rencontré une situation identique en 2010 avec un père de famille qui
se désolait pour son enfant. Après une étude sur les aptitudes et les goûts
d'Emilie, et avoir découvert ses réalisation, je lui conseillais de s'engager
dans la profession de tapissier décorateur.
Une profession qu’elle connaissait puisque c’était celle de son grand père qui
lui en avait déjà enseigné les rudiments.
Prise en mains par la Chambre des métiers, elle n'hésita pas une seconde;
l'opération fut une réussite. Un coup dur pour cette conseillère
d'orientation qui a découvert que
tapissier décorateur était un métier accessible aux femmes. Aujourd’hui
je n'ai pas conseillé la même
orientation n'ayant pas toutes les cartes en mains, j'ai seulement fait part à la famille qu'il valait
mieux rester au lycée une année de plus pour approfondir cette orientation;
plutôt que de choisir une voie professionnelle par défaut sous prétexte qu'elle
est féminine et accessible sur le territoire. Ce qui serait une erreur.
A cet égard, la Région de Basse Normandie se doit de poursuivre
sa réflexion en matière de formation dans le département de la Manche et
notamment dans le Sud, axé surtout sur le tertiaire et l'hôtellerie. Pour autant, il faut que les professionnels de l'
orientation fassent fonctionner leurs
petites cellules grises pour proposer des choix en adéquation avec
les goûts et les aptitudes de chaque élève. Quitte à leur trouver une formation
à l'extérieur du territoire. Depuis quelques années le conseil général de la
Manche finance le transport des lycéens scolarisés dans un autre département
afin de favoriser l'ouverture vers de nouvelles filières en aidant les familles. Près d'une centaine d'entre elles
en profitent aujourd'hui. C'est une orientation politique positive des élus
d'un département qui se doit néanmoins de s'ouvrir à de nouvelles formations
porteuses de développement économique, d'autant que le retour sur le
département des étudiants qui émigrent n'est pas systématique, loin s'en faut. C'est l'avenir du département qui s'en va!
Pas simple l'orientation scolaire.. d'un coté on veut envoyer tout le monde au bac et ensuite on sélectionne aveuglément. Pas étonnant qu'il n'y ait que 10% de fils d'ouvriers dans les écoles supérieures et tant de chomeurs avec le bac. Un père d'élève qui a connu la m^me situation
RépondreSupprimerQui est ce père d'élève?
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