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jeudi 25 juillet 2013

AIM (suite): la viande de porc au menu d'un buffet froid


À table

Quand on a participé au débat sur l'avenir des abattoirs industriels de la Manche dans certaines instances, comme ce fut mon cas, on comprend mieux les difficultés économiques que la France doit surmonter. Et de m’interroger si nous trouverons un jour la solution à nos problèmes. Entre les divisions politiques qui nous réservent des surprises inattendues, et les banquiers qui découpent la carcasse  industrielle sans se préoccuper des " gens bons" que sont les salariés directement expédiés chez Pôle emploi pour recyclage, j’avoue que j’ai du mal à accepter cette froide réalité économique..

Au menu :


Le jeudi 18 juillet 2013, le seul espoir des 700 employés de la société AIM était un remorqueur  dépêché  par quelques élus pour tenter de sauver un navire que certains rêvaient d’envoyer par le fond.  À 15h30, autour de la table des négociations, les convives se regardent inquiets et dubitatifs. Quel plat vont devoir avaler les membres du conseil d'administration de la SHEMA, et  quelle sauce ? Délaissant les amuse-gueules ils s'attaquent d’emblée  à une assiette campagnarde réalisée par le patron de CAP 50 , l'actionnaire principal des AIM et la directeur de la société. L'assiette est bien présentée mais le pâté de porc, un peu indigeste , semble devoir rester sur l'estomac des plus gastronomes, pressés de passer au plat de résistance composé des propositions concrètes du conseil général de la Manche et du conseil régional de  Basse Normandie élaborées sous la houlette de Bernard Cazeneuve, ministre du budget, ardent défenseur de la Manche. Peu de temps auparavant, ce dernier s’est entendu avec les présidents de ces deux collectivités pour une intervention de la Caisse des dépôts et consignations via la SHEMA, société immobilière dont les 3 départements de Basse Normandie sont actionnaires. Le plan vise à mettre sur pied  un « lease back », un terme anglais, pour  désigner une opération financière d’acquisition des bâtiments AIM pour leur louer ensuite.

Ce plat de résistance n'est pas du goût de tous les membres du conseil d'administration de la dite SHEMA qui doit avaler l'apport d'un million d'euros déposé par la caisse des dépôts, ( qui n’est autre que l'un de ses actionnaires), histoire d’apporter aux banques - qui n’utilisent la générosité qu’avec modération - une garantie supplémentaire à celle des collectivités. En guise de réponse, ces derniers ouvrent le parapluie en exigeant la garantie totale de leur intervention. Le soutien légal des collectivités ne pouvant dépasser 50% de la garantie, des partenaires privés sont de facto indispensables. Sans ces garanties l'avenir des AIM s'arrêterait là. L’affaire semblait bien engagée, il ne restait qu’à obtenir l'accord de tous les membres de la SHEMA, dès lors que la Caisse des dépôts prenait seule les risques à la demande du ministre du budget.  Trouver un accord est une chose, convaincre le représentant "tapisserie" du Conseil Général de l'Orne soumis aux ordres de son président qui était in fine contre toute idée de soutien et de création de société d'intervention en est une autre.  Sans surprise, la chambre de commerce de Caen, dont on connaît l’indépendance farouche à l'égard des autres CCI de la Région, est vent debout contre ce montage, le représentant des banques en profitant pour s'abstenir. Quand au conseil général du Calvados, il avait ce jour-là posé ses vacances. Unie la Normandie dites-vous?


Partir avant la note


Peu à peu, les masques tombent. Les valeureux représentants du Calvados, présents au premier conseil d'administration traitant du sujet début juillet ne sont pas revenus préférant quitter la table des négociations sur la pointe des pieds en rasant les murs avec l’excuse probable que les  AIM et Villedieu les poèles, n'étant  pas sur leur territoire, ce n’est pas leur problème. Et puis, s'associer à une région de gauche, faut quand même pas rêver. Bon vent, on se passera de vous puisque le conseil d'administration de la SHEMA a voté favorablement à la majorité. Comme quoi, il y des calvadosiens courageux. La première étape est gagnée et la deuxième à portée de main avec un lease back qui dégagera 4 à 5 millions d'euros pour repartir sur des bases saines. En contre partie, les AIM auront un an pour finaliser un projet qui doit, à terme, les amener à s'adosser à un grand groupe. Des rapprochements sont à l’étude, mais en économie, comme au jeu il faut avoir un coup d’avance. Alors chut sur les premières propositions, d'autant que la compétition s’annonce rude entre les sociétés françaises amateurs de porc. 


 Une petite goutte pour finir ?…


Dotés d’une force de frappe et d’une unité capable de fragiliser un tel plan de sauvetage les bretons comptent les points. Ils attendent que le projet tombe de l’arbre comme un fruit mur, pariant que les troupes du département de la Manche et de la Région de Basse-Normandie, unies pour le développement économique de leur territoire mais affaiblies par les indifférences voire les rivalités politiques des autres départements,  seront incapables de mener à bien leur projet.  P’tête ben qu’oui, p’tête ben non, et bien ce sera non. Contre toute attente leur union est solide. Mauvaise nouvelle pour les Celtes qui vont avoir du mouron à se faire. Pourtant, Ils auraient dû s’en douter, les Vikings avaient déjà fait le coup pour les Énergies Marines Renouvelables qui générera près de 2000 emplois dans le Cotentin et la Manche. Et les voilà de nouveau en ordre de bataille pour combattre l’Hydre du chômage en sauvant 700 emplois et la filière porc. Ah, les cochons…. C'est une grande satisfaction et une nouvelle preuve que l'avenir de notre pays se trouve dans une intelligente coopération  entre des élus pour lesquels l'intérêt d'un territoire passe avant leurs stupides ambitions politiques . Mais ce n’est qu’une bataille, comme chacun sait l’Hydre est un monstre à plusieurs têtes..






9 commentaires:

  1. Anonyme7/26/2013

    c'est parce qu'il y a souvent une bonne entente entre les bretons au delà des questions politiques qu'ils obtiennent des satisfaction.

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  2. certainement; ils savent aussi communiquer sur des atouts qu'ils n'ont pas toujours; "t'as pas vu Fougères t'as rien vu". Des élus du Sud Manche voulaient se mettre sur les marches de Bretagne pour exister, comme si le pays du Mont Saint Michel n'avait pas les moyens d'agir seul avec le département. L'un d'eux me direz vous est breton et se sent peu manchois

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  3. Anonyme7/28/2013

    Monsieur Trehet,

    J aimerais connaitre le role, la mission de la shema dans ce cadre. Etre proprietaire n est pas sa finalite.

    Si je me doute bien que cela puisse aider les Aim, le schéma avec la shema et ses juteux honoraires interpelle.

    Pourriez vous nous apporter un eclaircissement, merci.

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  4. La SHEMA est une société immobilière qui a vocation à participer à l'aménagement d'entreprises pour le développement économique; elle est souvent l'interface entre les collectivités et les entreprises. Elle a la gestion de l'espace René Lebas à Cherbourg et a aménagé beaucoup de zones économiques et d'ateliers qui ont été loués ou revendus.

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  5. Complément à ma réponse: dans ce cas précis, une société de portage serait créée

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  6. Hervé Houel7/30/2013

    une observation: je partage la conclusion de B Trehet; il faudrait que l'intérêt général transcende plus souvent les positions partisanes.
    une question: pourquoi certaines banques n'auraient aucune envie, dit on, de permettre à l'entreprise de poursuivre son activité?

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  7. Le cœur a ses raisons que la raison ne connait pas. Il y a peut être quelqu'un d'autre dans le cœur de certaines banques. Va savoir. Il y a tant d'abattoirs à aider...

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  8. Anonyme7/30/2013

    Mr Trehet,

    Merci pour votre reponse, et surtout au complement qui me parait plus explicite par rapport a ce que je connaissais de la shema.

    Bien cordialement

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  9. Anonyme10/27/2014

    les informations extérieures ne sont pas bonnes; Quel gâchis!

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