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vendredi 3 février 2012

L'héritage culturel et politique du siècle des lumières


"Aie le courage de te servir de ton propre entendement"... ou plus simplement OSE SAVOIR, traduction de la locution latine "sapere aude" d'Horace, faite par Emmanuel KANT, le chantre de la liberté, le Copernic de la pensée humaine. Cette devise deviendra celle des Lumières; elle exprime toute leur volonté de "sortir l'homme de sa minorité" dont il est responsable par manque de décision et de courage. L'homme a son propre entendement; il doit  être capable de s'en servir pour ne pas être asservi par autrui et avoir son indépendance.

De Pascal à Montesquieu, en passant par Descartes, la famille des modérés s'est construite autour de ces idées; l'abbé Sieyès et Mirabeau les reprirent pour rédiger la Déclaration des droits de l'Homme et du Citoyen. Députés du Tiers Etat, ils s'efforceront par ailleurs de rassembler la noblesse et le clergé, qui siègent à droite du président de l'assemblée, et le Tiers Etat placé à gauche. La gauche et la droite viennent de naître.

Aux côtés de Condorcet, ils combattront les tyrans, la démagogie et les charlatans politiques conduits par leurs intérêts et leurs ambitions sans crainte de renier leurs idées. Ces trois hommes porteront l'esprit des Lumières. Ils n'auront de cesse de "marier la raison, la règle et le consentement" en s'attachant à développer l'éducation. Seul le Savoir peut permettre d'accéder à la liberté et au pouvoir.

Pour Condorcet, il n'y a " pas de liberté, pas d'égalité, pas de fraternité entre les hommes sans instruction... un peuple ignorant est esclave". La connaissance permet de s'ouvrir aux autres et d'éviter l'affrontement délétère en rapprochant les hommes vers un juste milieu. Ses descendants politiques hériteront de ce message et de cette ambition humaniste. On les retrouvera souvent à la tête des ministères de l'Education.

François Guizot ne pensait pas autrement: "éclairez vous; enrichissez vous" disait-il. Ministre de l'instruction publique, il fait adopter la loi sur l'enseignement primaire en 1833 et oblige chaque commune à ouvrir une école. Plus tard, Victor Duruy assure le relais de Guizot  à Ferry dans le processus de démocratisation et de laïcisation de l'instruction publique. En 1881, Jules Ferry rend l'école gratuite et obligatoire l'année suivante.

Ainsi Benjamin Constant pouvait être également satisfait. Ses héritiers répondaient à son voeu de libérer l'homme: "l'indépendance individuelle est le premier des besoins modernes". Selon Jean Pierre Riouxil fût "le premier penseur du libéralisme à la française". Centriste, il estimait devoir "rester fidèle à un idéal plutôt qu'à un parti" et favoriser la liberté, support indispensable à l'initiative et à la créativité, à l'inverse de l'Etat jacobin centralisateur dont la tutelle administrative et étatique peut mener à la servitude politique que dénonçait Alexis de Tocqueville.

L'oeuvre de libération et d'émancipation de l'homme fut poursuivie sans relâche par de hommes qui ont marqué notre histoire, de Gambetta à Georges Bidault et Maurice Schuman avec le MRP  et les démocrates chrétiens mais le dévoiement de la démocratie prophétisée par Tocqueville s'est révélée dans des alliances opportunistes dans lesquelles se sont perdus des hommes et des femmes pressés et ambitieux qui prolifèrent encore maintenant sur le désintérêt grandissant de citoyens désabusés qui ne comprennent pas que l'on puisse être UMP à la botte des énarques à Paris et PMU en province avec le peuple, critiquant les élites.

Le populisme nous éloigne des valeurs défendues au siècle des Lumières; elles se trouvent diluées dans une éducation qui oublie nos racines, préférant s'inscrire dans une modernité attrayante pour tous, au risque de faire tomber le peuple dans un obscurantisme sans attaches dans lequel le langage de vérité ne trouve plus vraiment sa place et n'est plus entendu.

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